Notre premier routier, nos premiers pas sur Sumatra

Publié le par marie di solo

Notre vie à Sumatra débute. Première journée, nous ne savons pas trop ce qui nous attend. Nous débutons le stop et remarquons assez rapidement que, à part des camions et des bus, ya pas grand monde qui passe sur cette route. Il faut dire que nous en avions eu un aperçu la veille au soir et faut vraiment être courageux pour prendre sa voiture sur des routes en si mauvais état.

 

      Notre premier camion. Le gars transporte 2 tonnes de mouchoirs en papier. Il fait ça depuis 45 ans. Il roule pendant 24h sans s'arrêter qu'il nous dit. Il mange léger et bois beaucoup d'eau, ça permet de rester éveillé. Nous avons deux jours et deux nuits avant destination. Le soir, confiantes, nous nous endormons alors qu'il roule. Berit sur le siège passager, moi, sur la couchette à l'arrière.

 

PALEMBANG PALEMBANG!

C'est dans ce camion que nous passerons presque trois journées et deux nuits

 

PALEMBANG PALEMBANG!-2

En pleine confiance du chauffeur dans le métier depuis des années, je dors profondément

 

      « Marie, Marie !!! Je ne me sens pas rassurée, il est pas bien le chauffeur, il pique du nez, il transpire, il se gratte de partout, dès que je lui demande si ça va, il me répond que oui, tout va bien, j'ai plus confiance, je suis pas rassurée du tout »

      Je me lève et je constate ! Une main sur le volant et une autre le gratte de partout, dans le cou, sur le ventre, le dos, même les pieds ! Il arrive à descendre jusque là en conduisant. Il sue comme c'est pas permis, n'évite plus du tout les trous de la route et fonce à vive allure.

 

      J'entame une conversation avec lui, j'essaye de le faire parler, de sa famille, de son boulot, de son fils qui veut devenir policier... Et je glisse dans la conversation qu'il devrait peut-être arrêter le camion une heure ou deux pour dormir. Il est d'accord, ouf !

 

      Le camion sur le bas côté de la route, il s’endort en 2 secondes même pas. Nous nous endormons donc, rassurées qu'il se soit enfin arrêté !

 

      10mn plus tard, le moteur du camion ronronne de nouveau. Il est réveillé et nous soutient mordicus qu'il a dormi 2h et qu'il est en forme. Sur le ton de la rigolade, on essaye de lui faire comprendre qu'il ne s'est arrêté que 10mn et que ce n'est peut être pas assez mais il reste persuadé avoir dormi deux heures, alors on se marre tous les trois. Il a l'air en meilleure forme de toute façon. On se rendort.

 

     Une secousse me réveille en sursaut. Un trou dans la route, plus gros que les autres vient de le réveiller aussi, il s'était endormi en conduisant. Cette fois, je ne rigole plus du tout et je le force à s'arrêter. Cette fois, il ne prend même pas la peine de se ranger sur le côté et de coucher son siège, c'est au milieu de la route qu'il s'endort la main encore sur la clé qui vient de lui servir à couper le contact.

 

PALEMBANG PALEMBANG!-4

Le visage pas très rassuré, c'est dans la nuit que je scrute la route afin d'éviter l'accident

 

 

      Au bout de 5mn, il se réveille et repart, il n'est qu'une heure du matin, la nuit est encore longue !

 

      Mais ce n'est qu'à 6h que nous nous réveillons car il se met à crier de toutes ses forces : « PALEMBANG PALEMBANG ! VOUS AVEZ DORMI TOUTE LA ROUTE !!! PALEMBANG PALEMBANG ! VOUS AVEZ DORMI TOUTE LA ROUTE!!! » pendant bien 10mn . Il se met à raconter des trucs incompréhensibles en les criant pour la plupart du temps. Nous essayons de comprendre ce qui lui est arrivé pendant la nuit mais impossible de savoir. Nous recommençons à dormir tout de même alors qu'il continue de déverser son flot de paroles incompréhensibles.

 

      Lors d'un de ses arrêts afin de décharger du mouchoir, à Jambi, nous en profitons pour demander aux gens du coin s'ils connaissent le « Suku Anak Dalam » le peuple des enfants de la forêt. Nous nous retrouvons donc à enquêter, entourées de tout ces routiers qui nous parlent de ce peuple que nous venons trouver ici, de leurs habitudes, de leur vie, de gros lieux communs comme « on les reconnaît de loin, ils ne se lavent pas » « ils ne sentent pas bon » « ils vont vous envoûter si vous y aller et vous resterez toujours dans la forêt » … Malgré tout cela, nous arrivons à avoir des informations sur leur localisation. C'est sur la route de notre chauffeur, nous devrons nous arrêter à Muara Kilis.

 

PALEMBANG PALEMBANG!-3

Nous passons nos pauses entourées de mecs en marcel, fumant des clopes et buvant du thé

 

     Le lendemain, nous y arrivons, descendons du camion vers un groupe d'hommes et parlons de ce peuple. Ils les connaissent et il y en a pas très loin de là.

Nous décidons donc de quitter notre chauffeur ici.

 

     Un petit moment pour se dire au revoir. Nous avons partagé sa vie de routier pendant 2 jours, nous nous sommes énervées contre la corruption avec lui, il nous a appris des mots Indonésiens, je lui lisais les textos de son fils pendant qu'il roulait... Un contact s'est créé, il va maintenant falloir le quitter. Nous nous asseyons tous les trois, un peu à l'écart afin de se dire au revoir. La tête baisée, une voix enfantine sort de sa bouche « un peu d'argent pour acheter mes cigarettes... ». Mes larmes aux yeux disparaissent de suite, mon visage se durcit, je vois Berit qui cherche dans son sac d'un air ahuri, nous sommes à sec, lui donnons un billet et il se plaint que ce n'est pas assez...

 

      On prend nos sacs et on s'en va vers le groupe à qui nous avions parlé en sortant du camion. Il n'aura rien de plus, que notre déception.

 

     (Pendant toute la route avec ce gars, j'avais un rhume, nous cherchions désespérément des mouchoirs en papier que nous ne pouvions trouver alors que 2 tonnes de ça nous poursuivaient...)

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